
Nous sommes en 1670, Louis XIV nomme Jean Baptiste de la Quintinye directeur des jardins fruitiers et potagers royaux. Charentais d’origine, après des études de droit, il est reçu avocat à la cour du Parlement et nommé Maître des Requêtes de la Reine. Remarqué pour ses qualités personnelles, il est chargé de l’éducation du fils du président de la Cour des Comptes à Paris.
Pendant un voyage en Italie avec son élève, il découvre la magnificence des jardins italiens et décide de consacrer sa vie à l’horticulture.
Louis XIV le charge en 1678 de lui donner un potager digne d’alimenter sa table, à Versailles, en fruits et légumes.
Le roi est très exigeant et demande des productions variées, exceptionnelles afin d’émerveiller ses hôtes provenant de toute l’Europe et de répandre les mérites du plus grand Roi du monde…
Pour ce faire, le Roi lui attribue, afin de créer le potager royal, neuf hectares… de marécages au lieudit « l’étang puant » à proximité immédiate du château car le Roi veut pouvoir « aller au jardin » fréquemment.

En quatre ans, La Quintinye comble l’étang, draine les sols gorgés d’eau et de parasites, trouve de la terre arable sur la ‘montagne de Satory’ qu’il fait approvisionner sur place et aménage un ingénieux système d’arrosage du jardin grâce à un bassin central.
C’est Jules Hardouin Mansart qui se voit confier le pan général d’aménagement, les bâtiments, les terrasses, les allées, la maison d’habitation de La Quintinye que le Roi accorde à son jardinier en 1682 avec lequel il gardera une relation d’amitié sincère au point de reconnaître ses mérites en l’anoblissant.

Le potager produit en moyenne, depuis 1683, 50 tonnes de fruits et légumes par an.

L’aménagement combine harmonie des formes et efficacité des techniques horticoles de l’époque grâce notamment :
- au dessin général reprenant le thème des carrés de culture des jardins médiévaux délimitant des espaces nombreux,
– un ensemble d’allées perpendiculaires adoptant les contours de la Croix de Jérusalem, symbole à la fois d’unité, de diversité et de prospérité,

– une délimitation des carrés consacrés à l’arboriculture fruitière par de hauts murs variant les orientations par rapport au soleil, permettant une grande diversité de précocité des fruits et un stockage naturel de la chaleur,
– une ceinture de terrasses autour des carrés potagers permettant d’abriter les cultures du froid et creusées de galeries voûtées
* de stockage des légumes ‘racine’ pendant l’hiver,
* de production de champignons hors saison,
* de dépôt de matériels
Une figuerie, regroupant de nombreuses espèces d’arbres en bac de ce fruit exotique délicieux est créée afin de produire des milliers de fruits mûrs livrés, chaque jour, emballés individuellement dans une feuille de vigne à la table du roi qui en raffole.

Les bacs son rentrés, en hiver, dans un bâtiment construit spécialement pour cet usage. Il existe encore aujourd’hui surélevé et transformé en amphithéâtre pour l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage.
L’excellence des techniques mises au point par ce génial jardinier a permis de développer l’horticulture dans le domaine des cultures hâtées en complément des cultures traditionnelles.
Elles seront enrichies au siècle suivant par l’installation des premières serres en verre dont il ne reste qu’une petite partie, visible le long de la rue Hardy .
La Quintinye peut être fier de son oeuvre ;les innovations qu’il a mises au point et révélées dans son livre ont été longtemps à la pointe de meilleures pratiques horticoles.

Elles feront la réputation de l’homme et de ses successeurs jusqu’en1874 date à laquelle le potager royal, devenu sans objet, sera transformé en Ecole Supérieure d’horticulture. Celle ci, pendant près d’un siècle et demi, formera l’élite des ingénieurs de l’horticulture française.
Aujourd’hui, ce lieu magique abrite l’Ecole Nationale Supérieure du Paysage et conserve sa vocation de recherche et de formation aux techniques de création paysagère.
A proximité immédiate du potager, nous avons pu visiter le Parc Balbi, héritage de Mme de Balbi, maîtresse du comte de Provence, futur Louis XVIII. Ce parc, malmené par les siècles et les tempêtes récentes, restitue bien l’ambiance et le décor tels que l’aristocratie de ce siècle a su en créer de nombreux. La nature y est plus libre. La fausse grotte, les allées sinueuses, l’étang et ses berges incitent encore aujourd’hui à la rêverie bucolique que nous avons pu apprécier en cette matinée ou la grisaille du ciel mettait en valeur les couleurs claires des feuillages de l’automne.
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